Références

Etude d'impact de la convention d'assurance chômage du 15 novembre 2024

L’Unédic a analysé les effets attendus de la convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024, en termes d’impacts financiers et sur les personnes.

25 février 2025 - Geoffroy Drouard, Florence Journeau

A l’automne 2024, les organisations représentatives des salariés et des employeurs qui pilotent l’Unédic ont négocié de nouvelles règles d’assurance chômage. Cette négociation avait été lancée à l'invitation de la ministre du Travail et de l'emploi, qui souhaitait que les partenaires sociaux reprennent les discussions pour réformer les règles d’assurance chômage et encourager l’emploi des seniors. Dans ce cadre, 400 M€ d’économies supplémentaires par année étaient demandées par le gouvernement. La nouvelle convention a été agréée le 19 décembre 2024 par le Premier ministre, mettant fin au régime de carence en vigueur depuis 2019. Les partenaires sociaux ont ainsi retrouvé leur compétence en matière de prescription de la réglementation d’assurance chômage. Comme elle le fait à chaque évolution de cette réglementation, l’Unédic a étudié l’impact ex ante des mesures nouvelles de la convention.

La quasi-totalité des nouvelles mesures entrera en vigueur au 1er avril 2025. Pour rappel, l’essentiel de ces mesures seront applicables aux demandeurs d’emploi dont la fin de contrat de travail interviendra à compter du 1er avril 2025 et à ceux dont la procédure de licenciement sera engagée à compter de cette date.

Si, d’un point de vue financier, ces mesures conduisent globalement à des économies d’allocation, au regard de la trajectoire financière attendue par le gouvernement, certaines facilitent l’accès aux droits, améliorent l’indemnisation et visent à simplifier et rendre les règles plus lisibles 

  • Panorama des mesures de la convention d'assurance chômage du 15 novembre 2024

    • Accès facilité à l’Assurance chômage : les travailleurs saisonniers voient leur condition d’affiliation passer de 6 à 5 mois ; les anciens détenus qui ont travaillé en contrat d’emploi pénitentiaire peuvent accéder à une indemnisation chômage à leur sortie de détention ; les conditions d’attribution de l’allocation décès sont assouplies et la liste des bénéficiaires potentiels élargie.
    • Amélioration de l’indemnisation : le plafond du nombre de jours non travaillés pouvant être pris en compte dans le calcul du salaire journalier de référence (SJR) passe de 75 % à 70 % des jours travaillés ; une nouvelle période permettant une reconstitution du salaire de référence dans les contextes de licenciement pour inaptitude professionnelle est ajoutée ; la possibilité de quitter un emploi repris en cours d’indemnisation est élargie à 4 mois contre environ 3 mois, à compter du 1er avril 2025.
    • Mesures seniors : en cohérence avec la réforme des retraites de 2023 décalant l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, les bornes d’âge sont décalées de 2 ans. Ainsi, la période de référence affiliation étendue de 24 à 36 mois est désormais accessible à partir de 55 ans contre 53 ans précédemment. Le recul de 2 ans s’applique aussi aux âges ouvrant droit à une durée d’indemnisation plus longue (55 et 56 ans pour 22,5 mois, contre 53 et 54 ans auparavant ; 57 ans pour 27 mois, contre 55 ans auparavant). L’âge à compter duquel le maintien de droits est possible est également progressivement décalé, en cohérence avec le rythme prévu par la réforme des retraites, pour atteindre 64 ans en 2030. La mesure d’allongement de la durée d’indemnisation en cas de suivi d’une formation en cours d’indemnisation bénéficie désormais aux allocataires âgés de 55 ans ou plus. La dégressivité des allocations n’est pas applicable à partir de 55 ans (au lieu de 57 ans).
    • Lutte contre les effets d’aubaine : le dispositif de cumul pour les créateurs et repreneurs d’entreprise est désormais plafonné à 60 % des droits ARE ; une nouvelle condition est ajoutée pour bénéficier du second versement de l’ARCE : ne pas exercer un emploi en CDI à temps plein. La reprise du reliquat de droits après le bénéfice des aides à la création d’entreprise ne pourra avoir lieu qu’en cas de cessation de cette activité non salariée.
    • Simplification et lisibilité : le délai de déchéance des droits, d’une durée de 3 ans ajoutée à la durée du droit, est désormais vérifié en cours d’indemnisation et la liste des cas d’allongement est étendue ; le paiement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) est mensualisé ; l’attribution de l’aide de fin de droits est facilitée car octroyée automatiquement aux allocataires qui ont épuisé leurs droits ; les salariés expatriés sont désormais indemnisés    dans le cadre du règlement général ; une dérogation temporaire à la condition de résidence en France est mise en place, pour une durée maximale de 6 mois, en cas de formation qualifiante ou certifiante suivie à l’étranger.
    • Mesures sur les contributions : le taux de contribution patronale d’assurance chômage baisse de 0,05 point au 1er mai 2025 ; un groupe de travail paritaire est mis en place pour décider d’évolutions du dispositif de bonus-malus.
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1,5 Md€ de moindres de dépenses en régime de croisière

La majorité des mesures de la convention devraient produire des effets financiers sensibles surtout à partir de 2027. Certaines mesures ont toutefois des effets dès leur entrée en vigueur comme la mensualisation des allocations ou la suppression de la contribution patronale exceptionnelle. D’autres auront des effets à plus long terme (passage de l’âge d’accès au maintien des droits de 62 à 64 ans, réforme du mécanisme de déchéance).

Pour chacune des mesures, l’impact financier ainsi que les impacts individuels ont été estimés. L’Unédic anticipe que les économies associées à cette convention se situeraient à 1,5 Md€ en régime de croisière (c’est-à-dire l’année pour laquelle les mesures seront pleinement montées en charge).

L’ensemble des mesures de la convention (hors mensualisation) concernera 320 000 allocataires chaque année, soit environ 15 % de l’ensemble des personnes qui ouvrent un droit à l’Assurance chômage chaque année. Pour la moitié d’entre eux, ils connaîtront un effet positif, quoique faible individuellement. L’autre moitié connaîtra un effet négatif et plus sensible.

Il est à noter que les interactions entre les diverses mesures inclues dans la convention sont limitées : en conséquence, l’analyse séparée de chaque mesure retranscrit bien les ordres de grandeur de l’impact de chaque mesure après prise en compte des autres mesures. Voici un résumé des impacts attendus pour les mesures les plus importantes sur le plan financier.

Les mesures relatives aux seniors

  • Modification des bornes d’âge pour la filière seniors, décalées de deux ans en cohérence avec la réforme des retraites de 2023 : en régime de croisière, 17 000 allocataires ne seraient plus indemnisés en moyenne chaque mois, pour des moindres dépenses de -300 M€ chaque année.
  • Décalage progressif de l’âge d’accès au dispositif de maintien des droits jusqu’à la retraite à taux plein, de 62 à 64 ans : en régime de croisière, 35 000 allocataires ne seraient plus indemnisés chaque année, pour des moindres dépenses de -370 M€ chaque année.
  • Prolongement des droits en cas de formation à partir de 55 ans : en régime de croisière, cette mesure aurait un effet sur les dépenses de l’ordre de +10 M€ supplémentaires chaque année et bénéficierait à environ 5 000 personnes.
  • Exemption de la dégressivité à 55 ans au lieu de 57 ans : en régime de croisière, 5 600 allocataires bénéficieraient d’une indemnisation plus élevée chaque mois par rapport à la règle actuelle, pour des dépenses supplémentaires de +90 M€ chaque année.

La mensualisation des allocations

Le versement sur 30 jours des allocations, et non plus en fonction du nombre de jours du mois considéré, s’appliquera à la totalité des allocataires, y compris ceux qui ont déjà un droit ouvert au moment de l’entrée en vigueur de la mesure, à l’exception des allocataires relevant des annexes 8 ou 10 (intermittents du spectacle) et de ceux en CSP (Contrat de sécurisation professionnelle). Une version transitoire de la mesure entrera en vigueur en mai 2025, avant l’application pérenne à partir de juillet 2025. Les moindres dépenses seront les plus importantes en début de période, avec - 445 M€ en 2025, tandis qu’elles atteindront - 200 M€ en régime de croisière.

Les mesures concernant les allocataires qui créent ou reprennent une entreprise

  • Limitation du cumul indemnisation / activité non salariée à 60 % du capital de droit restant à compter de la création d’entreprise et non plus jusqu’à la consommation intégrale du droit : en régime de croisière, 50 000 allocataires ne seraient plus indemnisés en moyenne chaque mois, pour des moindres dépenses de -840 M€ chaque année.
  • Interruption du second versement ARCE en cas de CDI à temps plein : en régime de croisière (en 2026), 3 500 allocataires ne toucheraient pas leur second versement chaque année, pour -25 M€ de moindres dépenses.

La suppression de la contribution exceptionnelle temporaire de 0,05 point

Le taux de cotisations patronales sera ramené à 4 % à partir du 1er mai 2025, avec la suppression de la contribution exceptionnelle temporaire de 0,05 % mise en place au 1er octobre 2017. Cette mesure affectera toutes les entreprises contributrices, entrainant pour l’Assurance chômage des moindres recettes d’environ -400 M€ dès 2026.

L’impact d’autres mesures a également été estimé

L’Unédic a également estimé l’impact financier de mesures étendant ou créant des droits. C’est le cas de l’abaissement de la condition d’ouverture de droit de 6 à 5 mois pour les travailleurs saisonniers (+30 M€ de dépenses supplémentaires en régime de croisière) ; de l’impact financier de l’abaissement du plafond de jours non travaillés pris en compte dans le calcul du salaire journalier de référence de 75 % à 70 % des jours travaillés (+40 M€ en régime de croisière) ; de l’impact financier de l’indemnisation en cas de démission post reprise d’emploi jusqu’à 4 mois au lieu de 3 mois (+10 M€ en régime de croisière) et de l’impact financier de la révision des modalités de versement de l’allocation décès et de l’aide de fin de droits (+20 M€ en régime de croisière). En outre, le passage de la condition d’ouverture de droit de 6 à 5 mois pour les primo-entrants a également été étudié, mais son entrée en vigueur est conditionnée à l’adoption d’une loi.

Enfin, le renforcement de l’accompagnement et du suivi des demandeurs d’emploi frontaliers vise à accélérer leur retour à l’emploi. Cette mesure, chiffrée par France Travail, pourrait générer des dépenses moindres de -170 à -230 M€ par an.

  • Des travaux réalisés en partie avec Telemac, le modèle de micro-simulation de l’Unédic

    Cette étude d’impact a été réalisée notamment en mobilisant le simulateur Telemac. Ce modèle de micro-simulation des dépenses d’assurance chômage, développé par l’Unédic depuis 2015, permet de simuler les parcours d’indemnisation pour une réglementation donnée, fictive ou réelle, à partir de données individuelles d’emploi et d’inscription des demandeurs d’emploi.

    L’effet ex ante d’une nouvelle règle correspond à l’écart entre les trajectoires d’indemnisation affectées par la règle ainsi simulée et les trajectoires à réglementation constante, également simulées. Telemac fournit le nombre de personnes concernées et les effets financiers (dépenses ou économies supplémentaires), sur la période de montée en charge et en régime de croisière.

    Etant basé sur des données individuelles, Telemac permet aussi de déterminer les effets individuels d’une nouvelle règlementation (ampleur, effets de court, moyen, long terme…).