Quel est votre état d’esprit après la réussite des négociations d’assurance chômage ?
Ces négociations revêtaient plusieurs enjeux. Le premier était d’aboutir à un accord, et le second, peut-être plus symbolique, de redonner la main aux partenaires sociaux pour décider des règles d’assurance chômage. Après une longue période de carence de six ans, nous avons eu cette opportunité et nous l’avons saisie. C’était un défi important, pour autant, nous n’avons pas recherché un accord à tout prix. Le compromis n'était pas facile, car la lettre de cadrage de l’État était extrêmement contraignante. Néanmoins, les partenaires sociaux ont prouvé qu’ils pouvaient se mettre autour de la table et trouver un accord.
Est-ce une victoire du paritarisme ?
C’est une victoire de la démocratie sociale et elle est frappante !
Dans la démocratie sociale, patronat et syndicats sont sur un pied d’égalité. On sort de la logique majoritaire. Chacun doit écouter les arguments des autres et comprendre les raisons qui les sous-tendent, pour trouver des voies de passage, des compromis. Ce dialogue, ce croisement des regards sont d’une immense richesse, j’ai pu le constater tout au long de ma vie professionnelle.
Quelle a été la contribution de l’Unédic à la réussite de cet accord ?
Il faut saluer la performance des négociateurs, mais aussi celle des services de l’Unédic compte tenu de la complexité de l’exercice. Juristes, économistes, statisticiens, informaticiens… Chacun a joué son rôle, créant les conditions pour que les négociateurs puissent explorer toutes les pistes de discussion.

Le renforcement de la coopération avec France Travail peut nous permettre de mieux flécher les dépenses et de nous associer ainsi aux décisions.
L’Unédic finance 80% de France Travail ? Les conséquences de cet état de fait ont-elles été tirées ?
Nous sommes le principal contributeur au financement de la politique de l’emploi. En toute logique – c’est un principe fondamental à mes yeux – le financeur doit avoir un pouvoir de décision et de contrôle, en vertu de la responsabilité qui est la sienne. Et nous avons retrouvé nos prérogatives sur l’Assurance chômage. Nous devrions donc être davantage associés à la gouvernance de France Travail. C’est le principal enjeu aujourd’hui. Le renforcement de la coopération avec France Travail peut nous permettre de mieux flécher les dépenses et de nous associer ainsi aux décisions d’utilisation de ces fonds.
Êtes-vous entendus sur ce sujet ?
J’ai le sentiment que nous commençons à l’être. Nous continuons à faire de la pédagogie et nous avons bon espoir d’obtenir gain de cause. Le contexte est devenu plus propice, nous pouvons espérer un mouvement de balancier en notre faveur.
Quelle contribution – autre que financière – l’Unédic peut-elle apporter à France Travail ?
L’Unédic est riche d’une expertise unique en matière de traitement des données, de production d’études et analyses au service des politiques de l’emploi et de la prévention du chômage. L’intelligence artificielle ouvre de nouvelles possibilités pour des approches encore plus fines. Nous pouvons aujourd’hui faire correspondre des offres d’emploi et des candidatures auxquelles nous n’aurions pas pensé avant, en pariant sur toutes les compétences acquises par les demandeurs d’emploi au cours de leur vie professionnelle ou extra professionnelle, au-delà des fonctions effectivement exercées. Ma conviction est que l’Unédic a un rôle à jouer dans ces nouvelles approches et qu’elle doit pouvoir accéder aux données dont elle a besoin, continuer à investir dans le traitement de ces données, en mettant ses travaux à disposition de l’ensemble des acteurs de l’emploi et des partenaires sociaux.
Au nom de la gouvernance de l’Unédic, vous avez transmis un courrier début janvier au Premier ministre pour l’alerter sur la situation financière du régime d’assurance chômage. Pourquoi cette initiative ?
Il y avait une raison conjoncturelle à cette démarche : l’absence de loi de finances pour 2025 nous mettait dans une situation difficile. Nous avons besoin, pour des raisons légales, de la garantie de l’État afin d’emprunter 4 Md€ sur les marchés financiers sur l’année. Le projet de loi de finances étant adopté, cette question est réglée. Mais cela ne résout pas tout…
Depuis 2018, plusieurs décisions ne relevant pas de l’indemnisation du chômage ont impacté les recettes et les dépenses du régime, comme la hausse du financement de l’opérateur France Travail (passage de 10 à 11%), la non-compensation partielle des exonérations de cotisations d’assurance chômage, ou le financement de l’activité partielle durant la crise sanitaire. Toutes ces décisions prises par l’État, sans aucune concertation avec les gestionnaires du régime et sans étude d’impact, ont fragilisé notre régime. Et les excédents qui auraient dû être utilisés pour nous désendetter ont été « ponctionnés » notamment pour financer France Travail et France Compétences. Nous subissons une dette et on nous empêche de la rembourser !
Cette situation n’est pas tenable et nous avons demandé au Premier ministre de travailler ensemble à la sécurisation du régime. Nous avons besoin de plus de visibilité et de davantage de concertation.
Quelles sont vos ambitions pour les années à venir ?
J’ai beaucoup parlé de finances, mais la performance extra-financière est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Elle ne se limite pas au bilan carbone, mais à l’impact exercé sur la société.
L’Unédic joue le rôle d’un assureur du chômage. Comme tout assureur, nous nous devons de faire de la prévention, en l’occurrence de la prévention du chômage. Cela passe par notre engagement tout au long des parcours professionnels des individus et auprès des entreprises. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous prônons une collaboration active et une implication étroite dans les décisions, les réflexions et les travaux de France Travail… Nous accompagnons les transitions, et nous voulons avoir les moyens de le faire.
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Le rapport d'activité 2024 de l'Unédic est disponible !
En savoir plusNouvelle convention d'assurance chômage, financement du régime, idées reçues sur le chômage, profil des demandeurs d'emploi, ou encore impact de l'intelligence artificielle sur le travail... Autant de thématiques évoquées au sein de Transitions, le rapport annuel de l'Unédic.