Pourquoi avoir lancé un audit sur les dispositifs d’assurance chômage pour les créateurs d’entreprise ?
Christine Lam-Simon : Un premier audit avait déjà été mené en 2019, à l’issue duquel plusieurs effets d’aubaine avaient été identifiés. Lors des négociations de 2023, ces questions sont revenues sur la table, et les partenaires sociaux avaient déjà proposé certaines adaptations pour y répondre. C’est dans ce contexte que nous avons décidé de relancer un audit, cette fois en associant la direction des affaires juridiques et institutionnelles, afin d’y apporter aussi un éclairage réglementaire.
Lors des négociations de 2023, ces questions sont revenues sur la table, et les partenaires sociaux avaient déjà proposé certaines adaptations pour y répondre.
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L’audit à l’Unédic
Le dispositif d’audit mis en œuvre par l'Unédic contribue à la maîtrise de ses activités et de celles déléguées aux opérateurs, dont France Travail pour l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
Quels étaient précisément les dispositifs concernés, et avec quels objectifs ?
Alamanda Crestani-Bertin : Nous avons concentré nos travaux sur les deux dispositifs d’aide à la création d’entreprise. D’abord, l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise (ARCE), qui permet de percevoir 60 % de ses droits restants à l’Assurance chômage en deux versements espacés de six mois. Ensuite, le cumul partiel de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) avec les revenus générés par une activité non salariée. L’enjeu était de s’assurer que ces dispositifs sont utilisés à bon escient et que la réglementation est bien appliquée.
Une méthode d’audit croisée et rigoureuse
Quelle méthode avez-vous adoptée ?
Christine Lam-Simon : Nous avons travaillé selon les standards habituels de l’audit interne : identification des risques, définition d’un programme de travail, puis analyse concrète de dossiers. Pour avoir une vision représentative, nous avons audité deux régions : l’Île-de-France, qui concentre le plus grand nombre de créateurs d’entreprise, et le Grand Est. Nous avons pu examiner des dossiers relatifs à des cas réels et échanger avec les conseillers de France Travail, ce qui nous a permis de comparer les pratiques et de vérifier la conformité du traitement.
Alamanda Crestani-Bertin : L’objectif était clair : confronter les pratiques de terrain à la réglementation. Il s’agissait aussi de repérer ce qui, dans les textes, manquait de clarté ou laissait place à des interprétations. En observant comment les dossiers étaient montés, nous avons pu vérifier si les dispositifs étaient utilisés dans l’esprit dans lequel ils avaient été pensés. Et nous avons, en effet, repéré quelques axes d’amélioration.
Christine Lam-Simon : La présence d’Alamanda a vraiment enrichi le dialogue avec les conseillers que nous avons rencontrés. Ils ont apprécié de pouvoir échanger sur des points réglementaires souvent complexes. Ce type d’interaction est précieux, car sur le terrain, les équipes peuvent parfois se sentir un peu isolées face à certaines situations.
L’objectif était clair : confronter les pratiques de terrain à la réglementation.
Quels enseignements tirez-vous de cet audit ?
Christine Lam-Simon : Les résultats sont globalement rassurants. Les dossiers sont bien traités, les systèmes fiables et les erreurs relativement peu nombreuses.
Nous avons tout de même formulé cinq recommandations pour améliorer le suivi des créateurs d’entreprise. Parmi elles : lever certains blocages informatiques liés à l’enregistrement des SIRET, améliorer les outils de pilotage, ou encore renforcer le contrôle de la poursuite d’activité dans le cadre de l’ARCE. Nous avons également proposé de sécuriser la récupération des trop-perçus dès le premier versement de l’ARCE et de faciliter l’intégration des chiffres d’affaires des micro-entrepreneurs via un flux direct de l’Urssaf. Cela permettrait de réduire la charge administrative et de sécuriser les déclarations.
Encadrer pour mieux accompagner
Quels effets d’aubaine avez-vous identifiés ?
Alamanda Crestani-Bertin : Pour l’ARCE, deux situations posaient particulièrement question. La première, c’est le retour rapide à un emploi salarié à temps plein, juste après le premier versement. Cela pouvait laisser penser que le projet de création d’entreprise n’était pas réellement abouti. La convention d’assurance chômage de 2024 a donc introduit un critère : pour toucher le second versement, il ne faut pas avoir repris un CDI à temps plein. Deuxième cas : certaines entreprises fermaient rapidement après avoir perçu l’ARCE, ce qui permettait aux bénéficiaires de revenir à l’ARE plus tôt. Désormais, un différé est appliqué en cas de cessation d’activité.
S’agissant du cumul ARE, dans certains cas, cette forme juridique choisie permet de se fixer un salaire à zéro et donc de cumuler à 100% les allocations alors que certaines charges (quote-part de loyer, frais professionnels…) sont déduites du revenu de l’entreprise, contrairement aux micro-entreprises.
Et concrètement, quelles mesures ont été prises par les partenaires sociaux dans la convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024 ?
Alamanda Crestani-Bertin : Les partenaires sociaux ont souhaité mieux encadrer les conditions de cumul. La convention signée en novembre 2024 prévoit un plafonnement du cumul à hauteur de 60 % des droits restants. L’idée est que, quel que soit le dispositif choisi – ARCE ou cumul –, l’aide perçue soit équivalente, seul le mode de versement change. En cas d’absence réelle de revenus non salariés, les demandeurs peuvent toujours faire une demande pour reprendre le versement de l’ARE, mais cette décision repose alors sur une analyse approfondie de leur situation.