Est-ce que vous pouvez commencer par nous expliquer votre métier en quelques mots ?
Mon rôle en tant que sous-directeur des finances et de la trésorerie de l’Unédic, c'est de m'assurer d’une part que tous les flux financiers, à savoir les recettes et les dépenses, sont bien sécurisés, et d’autre part que les opérations de financements et de placements sont réalisées de manière efficace et dans de bonnes conditions.
Il s’agit, plus globalement, de garantir la bonne gestion des finances de l'Assurance chômage sous le pilotage des partenaires sociaux.
Quels sont les outils financiers utilisés par l’Unédic pour gérer sa trésorerie ?
Lorsque l’économie manque de dynamisme, le régime d’assurance chômage est en déficit, alors l’Unédic emprunte de l'argent sur les marchés financiers. On le fait via trois programmes de financement : des emprunts de court terme, de moyen terme et de long terme.
Les emprunts court terme sont réalisés quasiment quotidiennement, sur des durées d'emprunt entre une semaine et un an pour piloter la trésorerie de Unédic au plus près des besoins réels à court terme.
Nous avons également recours aux emprunts de long terme, pour une durée allant jusqu'à 15 ans. C’est ce qu’on appelle des obligations, qui sont utilisées pour gérer la dette de l’Unédic sur le long terme. Ces emprunts sont garantis par l'État. Entre les deux, il y a un programme de moyen terme qui est moins souvent utilisé. C'est un outil flexible que l'on peut activer notamment pour diminuer le recours à la dette court terme.
À l'inverse, lorsqu'il y a plus de recettes que des dépenses, l’Unédic dégage de la trésorerie positive. Cette trésorerie est investie. Pour ce faire, nous utilisons ce qu'on appelle des SICAV, des sociétés d'investissement à capital variable, qui sont gérées par des sociétés de gestion. Ces placements vont générer un rendement qui nous permet de neutraliser une partie des dépenses d'intérêt générées par les emprunts.
Qui sont les investisseurs de l’Unédic ?
Ce sont uniquement des investisseurs institutionnels : des banques centrales ou réserves de changes, des gestionnaires d’actifs pour le compte de tiers, des assureurs ou fonds de pensions, des entreprises ou banques qui investissent leur trésorerie…
Les investisseurs se répartissent en trois grandes zones géographiques : un tiers d’investisseurs français, un tiers d’investisseurs européens hors France et un dernier tiers d’investisseurs internationaux, notamment situés en Asie.
Vous organisez des rencontres avec les investisseurs. Quels sont les objectifs poursuivis à travers ces événements ?
En fonction de la maturité des relations avec nos investisseurs, on peut poursuivre différents objectifs.
Avec les investisseurs qui nous connaissent bien, c'est surtout une relation de suivi où nous les tenons informés de la situation financière du régime. L'enjeu va être de leur fournir des éléments financiers utiles à la gestion de leurs investissements.
Il y a aussi un volet plus prospectif, pour aller à la rencontre des investisseurs qui ne se sont pas encore positionnés sur les titres émis par l’Unédic. L'objectif va être de les rassurer sur le sérieux budgétaire dans le cadre de la gestion du régime d'assurance chômage et de les convaincre d'investir sur la dette émise par l’Unédic.
Dans les deux cas, l’objectif est de créer une relation de long terme.
Dans quel cadre se déroulent ces rencontres ?
Le plus fréquemment, ces rencontres ont lieu lors de conférences organisées par nos banques partenaires. C’est souvent une bonne opportunité de rencontrer plusieurs investisseurs en même temps.
Ensuite, il y a ce qu’on appelle les « roadshows », des déplacements dans leurs locaux pour les rencontrer. Ils peuvent avoir lieu à Paris pour rencontrer les investisseurs français, mais aussi à l’étranger, par exemple Londres, Francfort, Luxembourg, Milan, Madrid, Vienne, Tokyo, Pékin, Séoul ou Rabat pour rencontrer des investisseurs internationaux.
La démocratisation des outils de communication à distance nous permet également de réaliser ces rencontres de manière efficace en visioconférence avec des investisseurs situés partout dans le monde.
Est-ce que les investisseurs comprennent facilement le fonctionnement de l’Unédic et de l'Assurance chômage à la française ?
En France, tous les salariés du privé contribuent au régime d'assurance chômage via une part prélevée de manière obligatoire sur leur salaire, alors que dans de nombreux pays ce sont plutôt des assurances privées qui couvrent le risque du chômage. Ce modèle nécessite de faire de la pédagogie.
A cela s’ajoutent souvent des questions sur le statut juridique de l’Unédic, qui est une association loi 1901. Et des associations de ce type qui empruntent sur les marchés financiers, ça n’existe pas... L’Unédic est une exception !
Enfin, on nous interroge également sur la gouvernance du régime car, dans les pays où les partenaires sociaux sont associés à la gestion de l’Assurance chômage (c’est le cas en Belgique notamment), ils n’ont pas autant de responsabilités qu’en France.
Qu'est-ce que les investisseurs recherchent en investissant sur la dette de Unédic ?
Du fait de la mission de l’Unédic, de son cadre juridique et de son environnement économique, les titres émis sont par nature peu risqués. Les investisseurs sont donc globalement confiants dans la capacité de l’Unédic à honorer sa dette, à savoir payer les intérêts et rembourser le montant emprunté aux dates définies.
Les investisseurs peuvent également chercher à avoir de l’impact en achetant la dette émise par l’Unédic.
Depuis mai 2020, l’Unédic émet des « Social Bonds » dans le cadre de la réalisation de ses programmes de financement. Les principes qui cadrent ces procédures d’émission de dette impliquent notamment des impacts sociétaux mesurables. Ces impacts, au service des entreprises et des salariés pour un retour à l’emploi durable, font chaque année l’objet d’un suivi et d’une publication sous forme de reporting.