Analyses

Emploi et décarbonation : panorama des travaux existants

Les effets de la transition écologique sur l'emploi font l'objet d'une attention croissante de la part des institutions publiques, des chercheurs et des associations. L'Unédic passe en revue une série de travaux récents.

Unédic

Lab "Emploi et dérèglement climatique"

14 mai 2024

Le travail n’échappera pas aux conséquences du dérèglement climatique. Face à ce phénomène systémique, une transition s’enclenche et avec elle, un lot d’effets économiques et sociaux qu’un nombre croissant de chercheurs et d’organisations tentent d’anticiper. Les travaux sur les effets de la décarbonation de l’économie sur l’emploi sont de plus en plus nombreux. Ils adoptent des approches diverses qui rendent les comparaisons de leurs résultats et projections difficiles quoi que nécessaires pour anticiper les changements à venir.

L’Unédic, dans son rôle d’expertise, a vocation à éclairer les implications du dérèglement climatique et de la transition écologique pour l’Assurance chômage et l’emploi, afin d’alimenter l’action des partenaires sociaux sur le sujet.

Dans une étude parue en 2023, l’Unédic a questionné les actifs sur leurs perceptions de la transition écologique. Il apparaît que 85% des actifs se déclarent préoccupés par le changement climatique et la situation de l'environnement. Une deuxième édition, parue en 2024, a été consacrée aux perceptions des dirigeants et dirigeantes d’entreprises. Plus de quatre sur dix estiment que la transition écologique a déjà pour leur entreprise un impact « fort ».

Cette prise de conscience des enjeux écologiques par les acteurs économiques se produit dans un contexte où les travaux abordant la question de l’emploi et du travail dans le cadre d’une transition se multiplient.

Trois grands axes d’analyse peuvent être distingués sur ce sujet :

  1. les effets attendus de la décarbonation de l’économie sur l’emploi dans chaque secteur (axe 1);
  2. le développement des emplois dits « verts » embarquant des enjeux de taxonomie et de classification des compétences (axe 2);
  3. les effets des dommages causés par le dérèglement climatique sur l’emploi (axe 3) : des analyses au niveau des branches et des territoires existent, mais ils sont peu documentés au niveau national.

Cette publication propose ainsi une revue de littérature des publications existantes sur l’axe 1. Les axes 2 et 3 sont quant à eux des objets d’attention en raison des enjeux de formation ou reconversion des demandeurs d’emploi (axe 2) et d’effets sur l’emploi au niveau local ou sur l’activité partielle (axe 3). Ces axes 2 et 3 feront l’objet de travaux ultérieurs.

Les principaux enseignements

  • L’ensemble des travaux considérés s’inscrivent dans des perspectives de décarbonation issues des objectifs ancrés dans la loi ou adoptés au niveau européen dans un contexte où la France s’est donnée pour ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050. A ce titre, la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) est le cadre structurant de toutes les réflexions. Elle définit la trajectoire de diminution des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre cet objectif et fixe, à court et moyen termes, des « budgets carbone », qui sont « des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser au niveau national sur des périodes de cinq ans ».
  • Les travaux soulignent tous que les conséquences de la transition en matière d’emploi sont à observer aux niveaux inter, intra-sectoriel et géographique, et non en se focalisant sur un solde de créations ou de suppressions d’emplois pour l’ensemble de l’économie. Ils se penchent sur les mobilités intersectorielles qui mèneraient à détruire des emplois dans certains secteurs ou sous-secteurs (par exemple, l’automobile thermique, la construction neuve...) et à en créer dans d’autres (rénovation des bâtiments, réparation, mobilités douces...), mais également sur la très grande hétérogénéité intra-sectorielle en matière d’émissions de gaz à effet de serre, les différences entre établissements au sein d'un même secteur étant plus marquée que celles entre les secteurs.
  • Ces mobilités à venir nécessiteront un accompagnement dédié et des formations adaptées. Plusieurs travaux estiment indispensable un rapprochement des acteurs de l'emploi, de la formation et de l'environnement.
  • Sur le terrain et au niveau national, la mobilisation des partenaires sociaux se concrétise

    Les partenaires sociaux sont à l’origine de l’Accord national interprofessionnel du 11 avril 2023 relatif à la transition écologique et au dialogue social. Ce texte, signé par le Medef, l’U2P et la CPME côté patronal et par la CFDT et la CFTC côté organisations de salariés, reprend à son compte la notion de « transition juste » et vise à accompagner « une transition socialement juste permettant de construire une croissance responsable et durable ». Il rappelle qu’un dialogue social « éclairé » doit permettre d’identifier les « leviers de changements » de la transition écologique et met en exergue les compétences attribuées au Comité social et économique en matière d’environnement. Il appelle à « traiter les enjeux environnementaux dans les espaces de dialogue social territoriaux et sectoriels ».

    Dans ce cadre, les observatoires prospectifs des métiers et des qualifications de chaque branche peuvent contribuer à l’identification des enjeux induits par la transition écologique, notamment en matière de formation et de compétences.

    Parmi les institutions paritaires, les opérateurs de compétences (Opco) sont souvent engagés sur ces sujets, relayant les travaux des observatoires et proposant diverses ressources. A titre d’exemple, l’Observatoire compétences industries rattaché à l’Opco 2i (inter-industries) a produit des travaux relatifs à ses 32 branches, étudiant l’importance d’enjeux sur 5 axes dépassant largement la seule question des émissions de gaz à effet de serre pour intégrer des problématiques connexes mais cruciales en matière de transition (biodiversité, consommation de matières premières, qualité de l’air, consommation d’énergie, gestion des déchets). L’Opco Atlas (services financiers et conseil) relaie des travaux de l’Opiiec sur l’empreinte environnementale du numérique. L’Opco Constructys (construction) met à disposition de ses membres des outils de diagnostic pour leur permettre de « mesurer leur niveau de maturité écologique ».

    L’opérateur France compétences a créé une « grande bibliothèque », recensant l’intégralité de nombreux travaux des branches.