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Qu'est-ce que l'activité partielle ?
Lire notre étude détailléeLorsque l'entreprise est contrainte de réduire ou d'interrompre temporairement son activité du fait de circonstances spécifiques*, l'employeur peut recourir au dispositif d'activité partielle (ou chômage partiel). Pour chaque heure chômée dans ce cadre, l'employeur verse à ses salariés une indemnité d'activité partielle calculée en pourcentage de leur rémunération horaire brute. En contrepartie de cette indemnité, l'employeur perçoit une allocation compensatoire. Ce dispositif est financé conjointement par l'Etat et l'Unédic.
* En raison de la conjoncture économique, de difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie, de sinistres, d'intempéries de caractère exceptionnel, de la transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise, ou en raison de toute autre circonstance de caractère exceptionnel, comme l'épidémie de Covid-19 ou les conséquences économiques de la guerre en Ukraine.
L'activité partielle s'est-elle installée comme une pratique nouvelle pour les entreprises qui rencontrent des difficultés ? Puissamment déployée dans le contexte de la crise de la Covid-19, cette mesure de soutien, financée aux deux tiers par l'Etat et à un tiers par l'Unédic, a concerné à son pic, en avril 2020, 8,4 millions de salariés. Le coût pour l'Unédic (dépenses d'activité partielle et manque à gagner sur les recettes) a été considérable : 14,4 Md€ en 2020-2021, soit plus de la moitié du déficit de l'Assurance chômage pour ces deux années. Depuis que ces sommets ont été atteints, le nombre de salariés placés en activité partielle, en même temps que les sommes engagées, s'est très fortement réduit. Il apparaît cependant que le recours à l'activité partielle demeure plus élevé en juillet 2022 qu'il ne l'était avant crise.
C'est peut-être en partie le reflet d'un effet d'apprentissage des entreprises, qui auraient, au cours de la crise de la Covid-19, appris à se saisir de ce dispositif, pour faire face aux réminiscences de cette crise sanitaire ou à des difficultés nouvelles : conséquences du conflit en Ukraine, événements climatiques extrêmes, tensions d'approvisionnement...
Ainsi, en juillet 2022, 2,1 millions d'heures ont été chômées au titre de l'activité partielle (de droit commun et de longue durée). Cela concernait 65 000 salariés (Graphiques 1 et 2). A titre de comparaison, en moyenne sur la période 2015-2019, 1,6 million d'heures étaient chômées chaque mois, pour 39 000 salariés concernés. Cela signifie qu'en juillet 2022, 1,7 fois plus de salariés étaient placés en activité partielle que la moyenne d'avant crise, pour un volume d'heures 1,3 fois supérieur.
Un changement de structure s'est opéré ces derniers mois. Alors que le dispositif de droit commun, massivement déployé au pic de la crise pandémique, a concerné la plus large part des salariés jusqu'à l'automne 2021, c'est désormais l'activité partielle de longue durée (APLD) qui domine.
Instaurée par la loi du 17 juin 2020 , l'APLD est destinée aux entreprises confrontées à des difficultés durables mais qui ne sont pas de nature à compromettre leur pérennité. L'utilisation de l'APLD est subordonnée à la négociation d'un accord de branche ou à la signature d'un accord de groupe, d'entreprise ou d'établissement. En juillet 2022, 77% des salariés concernés par une forme d'activité partielle relevaient de l'APLD (Graphique 3).
Au premier semestre 2022, le profil des salariés concernés par l'activité partielle évolue
Entre mars 2020 et décembre 2021, avec le recours massif au dispositif sous l'effet des fortes restrictions sanitaires, le profil des salariés ayant connu au moins une heure d'activité partielle s'est rapproché de celui de l'ensemble des salariés du secteur privé . Au premier semestre 2022, les profils ont un peu évolué : si les hommes sont toujours plus fréquemment en activité partielle que les femmes, la part des jeunes baisse. La part d'ouvriers, déjà supérieure à leur proportion parmi les salariés du privé, s'est accrue (Graphique 4).
Près de 40% des 600 000 salariés placés en activité partielle travaillent dans des établissements de 250 salariés ou plus, alors qu'ils ne représentaient que 16% au printemps 2020. De même, les secteurs concernés en premier lieu ont changé. Les salariés des secteurs de la « fabrication de matériels de transport », la « fabrication d'autres produits industriels », des « transports et entreposage » et de « l'hébergement et restauration » sont surreprésentés dans les effectifs mis en activité partielle en regard de leur poids dans l'ensemble des salariés du privé. Les salariés du secteur « commerce, réparation d'automobiles et de motocycles », en revanche, sont sous-représentés (Graphique 5).
Des motifs de recours difficiles à identifier
Ces transformations du recours à l'activité partielle, tant dans le volume que dans la structure, s'inscrivent dans un contexte économique radicalement différent de celui qui prévalait lors du premier déploiement massif du dispositif en 2020. La reprise économique de 2021 a été accompagnée par des tensions sur les chaînes d'approvisionnement et une montée de l'inflation. Le déclenchement de la guerre en Ukraine, en février 2022, a ajouté à ces difficultés une crise énergétique de grande ampleur.
Les effets de ces événements concernant le recours à l'activité partielle sont difficiles à détecter. Les employeurs peuvent déclencher l'utilisation de l'APLD après signature d'un accord collectif. Sur le site Internet dédié au traitement des demandes relatives aux dispositifs d'activité partielle, les employeurs n'ont pas à indiquer le motif de recours figurant dans le texte de l'accord d'APLD. Le recours à l'activité partielle dite de droit commun, en revanche, implique la déclaration d'un motif (Graphique 6).
Ainsi, entre mars et juillet 2022, jusqu'à 1 400 salariés ont été placés par mois en activité partielle de droit commun (pic atteint au mois d'avril) pour un motif déclaré lié au conflit en Ukraine. Sur l'ensemble de la période, ce motif a concerné 1% des salariés placés dans un dispositif d'activité partielle. C'est nettement moins que le motif « Coronavirus » (38 000 salariés en mars 2022 ; entre mars et juillet 2022, 6% des salariés ont été placés en activité partielle pour ce motif) et inférieur au motif « Sinistre », qui a concerné près de 4 200 salariés en juin 2022. Ces données doivent toutefois être considérées avec prudence, car pour l'activité partielle de droit commun les différents motifs sont déclarés par les employeurs. Une entreprise dont l'activité a été touchée par la guerre en Ukraine de manière indirecte pourrait donc choisir le motif « conjoncture économique » (plus de 23 000 salariés concernés en mars 2022 ; 7% des salariés placés en activité partielle entre mars et juillet 2022) et n'apparaîtra pas dans le décompte pour le motif « Ukraine ».
L'Unédic continue de financer à hauteur d'un tiers les allocations d'activité partielle versées aux employeurs, l'Etat prenant en charge les deux tiers restants. En juillet 2022, la dépense mensuelle Etat et Unédic s'élevait à 20 M€, au-dessus de la moyenne entre 2015 et 2019 (12 M€ par mois) (Graphiques 7 et 8). Cet effort financier est toutefois sans rapport avec les sommets atteints durant la pandémie, avec un pic à 8,5 Md€ en avril 2020. Selon les prévisions financières de l'Unédic publiées en octobre 2022, le financement de 33% de l'activité partielle représenterait encore 200 M€ annuels pour le régime d'assurance chômage en 2022 et 2023, puis 100 M€ en 2024.
Dans un environnement économique incertain, alors que se profile un ralentissement de la croissance en 2023, la pertinence des dispositifs d'activité partielle pourrait de nouveau être éprouvée. Les demandes d'autorisations préalables (DAP) renseignent sur le nombre de salariés susceptibles d'être placés en activité partielle dans les mois à venir. Ainsi, l'effectif demandé pour le mois d'avril 2023 est de 465 000 salariés (Graphique 9), un niveau qui demeure important.
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Un été de catastrophes climatiques : quel impact du point de vue de l'activité partielle ?
La multiplication des événements climatiques extrêmes à l'été 2022 – canicules, incendies, orages violents – a marqué les esprits. Il est possible que les entreprises situées dans les départements les plus touchés par ces événements aient eu un recours plus important à l'activité partielle. Ainsi sur les mois de juin, juillet et août 2022, c'est le département de la Gironde, durement touché par les feux de forêt, qui a montré le volume le plus important de recours à l'activité partielle de droit commun pour les causes de « sinistre », « climat », « inondation » cumulées, totalisant 10% des effectifs placés en activité partielle sur cette période pour ces trois motifs, devant la Haute-Garonne (5%), la Dordogne (5%) et Paris (5%). Le nombre de salariés concernés demeure cependant faible, avec un pic d'environ 400 en juillet 2022 en Gironde. Ces données sont provisoires, notamment les éléments concernant le mois d'août, qui n'étaient pas tous remontés par les employeurs à la date de l'extraction.