En bref

RSA et France Travail : comprendre les conséquences pour l'Assurance chômage

L’Unédic fait le point sur les conséquences pour l’Assurance chômage de la loi Plein emploi de 2023, qui crée France Travail et prévoit l’inscription systématique de personnes bénéficiaires du RSA à partir du 1er janvier 2025.

26 mars 2025 - Adrien Gaboulaud

La loi du 18 décembre 2023 pour le Plein emploi, qui a créé France Travail, a des conséquences importantes pour le service public de l’emploi. Elle prévoit notamment l’inscription à France Travail, à partir du 1er janvier 2025, de toutes les personnes bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), des jeunes suivis par les missions locales et des personnes accompagnées par Cap emploi. L’inscription à France Travail devient également automatique dès qu’une personne sollicite un de ces dispositifs. Toutes ces personnes nouvellement inscrites doivent signer un « contrat d’engagement », qui selon France Travail est « co-construit entre la personne accompagnée et son conseiller référent ».

A lire : L'économiste Eric Heyer décrypte les conséquences de la loi Plein emploi pour les statistiques de France Travail

Les bénéficiaires du RSA sont, de loin, le groupe le plus important parmi les nouveaux inscrits à France Travail : en effet, seuls 40 % environ des 2 millions de bénéficiaires du RSA étaient inscrits avant l’entrée en vigueur de la réforme. On s’attend donc à environ 1,2 million de nouveaux inscrits à ce titre. Environ 300 000 jeunes suivis par les missions locales devaient également rejoindre les inscrits à France Travail. Concernant les personnes accompagnées par Cap emploi, elles étaient pour la plupart déjà inscrites à France Travail. Au total, plus de 1,5 million de personnes devraient ainsi devenir inscrites. A noter qu’au 31 janvier 2025, en pratique, France Travail décomptait un peu moins d’un million nouveaux inscrits bénéficiaires du RSA. Pour la suite de cette publication, on se focalisera sur les personnes au RSA.

Un impact très fort sur les statistiques de France Travail

Avant l’application de la loi Plein emploi, une partie seulement des personnes bénéficiant du RSA était inscrite à France Travail (Schéma 1). La totalité des bénéficiaires du RSA y sera désormais inscrite, dès la demande du RSA. Ces personnes ne sont pas stricto sensu des « demandeurs d’emploi », puisque leur inscription à France Travail résulte d’une demande de minima social. La formule « inscrits à France Travail » sera d’ailleurs utilisée pour désigner l’ensemble des personnes recensées par l’opérateur.

Les statistiques de France Travail vont donc être très fortement impactées par l’inscription des bénéficiaires et des demandeurs du RSA. Afin de faire face à cette nouvelle configuration, un groupe de travail au sein du Conseil national de l’information statistique (Cnis) a préconisé en 2024 la création de nouvelles catégories, qui viendront s’ajouter aux catégories A, B, C, D et E déjà utilisées pour classer les demandeurs d’emploi et désormais destinées aux inscrits relevant de parcours « professionnel » ou « socio-professionnel ». La catégorie F accueillera les personnes relevant d’un parcours « social », pour lesquelles les freins au retour à l’emploi sont trop importants.

La catégorie G est une catégorie d’attente, qui accueillera les personnes nouvellement inscrites mais n’ayant pas pu encore signer un contrat d’engagement avec France Travail. Dans les premiers temps, la catégorie G devrait recevoir des effectifs importants, notamment parce que l’ensemble des bénéficiaires du RSA au 31 décembre 2024 devait rejoindre France Travail à partir du 1er janvier 2025.

Les personnes demandant le RSA à partir du 1er janvier 2025 seront également classées en catégorie G, dans l’attente de la signature de leur contrat d’engagement, et ce, que leur demande de RSA aboutisse ou pas.

Au fur et à mesure que France Travail sera en mesure de traiter les dossiers de ces nouveaux inscrits, ils seront répartis dans les catégories A, B, C, D, E et F. Les effectifs de la catégorie G devraient donc se réduire progressivement, durant une période de transition estimée à 2 ans pour la France métropolitaine.

Pour l’Assurance chômage, des effets immédiats limités et des conséquences ultérieures difficiles à quantifier

La loi Plein emploi aura donc des effets considérables sur les effectifs de personnes inscrites à France Travail. Cependant, on peut présumer que les nouveaux inscrits à la suite de l’entrée en vigueur de cette réforme seraient plutôt éloignés du marché du travail de sorte que, au moins dans un premier temps, la plupart ne pourraient pas ouvrir de droit auprès de l’Assurance chômage, faute de réunir les conditions nécessaires pour accéder à l’indemnisation. Rappelons qu’une petite partie des allocataires pris en charge par l’Assurance chômage (100 000 personnes sur 3,6 millions en 2022) sont également bénéficiaires du RSA (Schéma 2).

De plus, la loi Plein emploi pourrait avoir un effet sur le nombre de chômeurs indemnisés, par exemple en incitant des personnes éligibles à l’Assurance chômage à ouvrir des droits alors qu’elles ne l’avaient pas fait jusqu’à présent, réduisant ainsi le non-recours à l’Assurance chômage, dont le taux était estimé par la Dares en 2022 entre 25 % et 42 % des personnes non-inscrites à Pôle emploi (devenu depuis France Travail). Ces effets sur les effectifs de chômeurs indemnisés sont cependant difficiles à chiffrer à ce stade.

D’éventuels effets de comportements déclaratifs pourraient peser sur le taux de chômage

Les effets anticipés sur les statistiques de France Travail sont mécaniques et seront immédiatement visibles. Concernant le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), la loi Plein emploi pourrait avoir des conséquences plus difficiles à anticiper. Calculé à partir des réponses à l’Enquête Emploi de l’Insee, le taux de chômage est déterminé par une série de critères précis (Encadré 1). L’inscription automatique des bénéficiaires du RSA et les actions de « réactivation » en direction de ces nouveaux inscrits à France Travail pourraient conduire une partie de ces personnes à répondre différemment dans le cadre de l’Enquête Emploi, de sorte que certaines de celles qui étaient autrefois classées parmi les inactifs pourraient rejoindre la population active, soit parce qu’elles auront trouvé un emploi, soit parce qu’elles seront désormais considérées comme des « chômeurs » au sens du BIT. Dans ce dernier cas, c’est le changement de perception et donc de réponse à l’enquête des personnes bénéficiant du RSA quant à la recherche d’emploi qui conduirait à une hausse du taux de chômage.

Quantifier précisément cet éventuel effet est toutefois difficile. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a récemment publié une note montrant que l’éventail des effets possibles sur le taux de chômage est large.

  • Encadré 1 - Comment est défini le chômage au sens du BIT ?

    La définition du chômage au sens du BIT a été adoptée par la France dès 1982. Elle n’a pas changé depuis.

    Trois critères interviennent pour classer une personne comme chômeur au sens du BIT :

    • ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence à propos de laquelle les personnes sont interrogées (à savoir la semaine qui précède l’interrogation) ;
    • être disponible pour travailler dans les deux semaines suivantes ;
    • avoir effectué des démarches actives de recherche d’emploi dans le mois précédent (ou avoir trouvé un emploi qui commence dans les 3 mois).