Analyses

Réforme 2019-2021 : premiers résultats d'évaluation du bonus-malus

L'Unédic publie un premier bilan du dispositif de bonus-malus mis en place depuis 2021 pour moduler les cotisations patronales en fonction de l'usage des contrats courts.

10 mars 2025 - Laurent Brembilla, Emilie Daudey, Elise Drony, Florence Journeau

En 2019, le Gouvernement a mis en place une réforme de l'Assurance chômage visant à encourager l'emploi durable, réduire les contrats courts et améliorer la situation financière du régime. Cette réforme comprend quatre volets principaux : une augmentation du nombre d'heures travaillées nécessaires pour ouvrir des droits à l'Assurance chômage, une modification de la formule de calcul des allocations, une dégressivité des allocations pour les hauts revenus, et une modulation des cotisations patronales en fonction de l'usage des contrats courts via un système de bonus-malus. Après plusieurs reports, la plupart de ces mesures sont entrées en vigueur fin 2021.

Cette synthèse dresse un bilan du dispositif de bonus-malus avec des premiers résultats d’évaluation. Ce dispositif, appliqué à sept secteurs d'activité depuis 2021, ajuste le taux de cotisation chômage des employeurs en fonction du nombre de fins de contrat concomitantes ou suivies d'une inscription à France Travail, comparé à la médiane du secteur. Le taux de cotisation varie entre 3 % et 5,05 %, avec un taux standard de 4,05 %.

  • Comment s'applique le dispositif actuel ?

    Le système de bonus-malus actuel s'applique aux entreprises concernées pour des périodes de douze mois, du 1er septembre au 31 août de l'année suivante. Pour une modulation appliquée à partir du 1er septembre de l’année N, les taux de modulation sont calculés à partir des fins de contrat constatées entre le 1er juillet de l’année N-1 et le 30 juin de l'année N. Par souci de simplification, dans ce document, la modulation « BM 2022 » désigne celle en vigueur du 1er septembre 2022 au 31 août 2023. « BM 2023 » et « BM 2024 » sont construits de la même façon, à cheval sur deux années civiles.

Un peu moins de 30 000 entreprises de 11 salariés ou plus sont concernées

Un peu moins de 30 000 entreprises, soit environ 15 % des entreprises françaises de 11 salariés ou plus, sont actuellement concernées par le bonus-malus. Ces entreprises appartiennent à 7 secteurs d’activité, dont le recours aux contrats courts était important sur la période 2017-2019. Quatre de ces secteurs appartenant à l’industrie, ainsi que le secteur « transports et entreposage », sont caractérisés par un fort recours à l’intérim. Les secteurs « hébergement et restauration » et « autres activités spécialisées, scientifiques et techniques » recourent davantage à des CDD courts.

Dans les secteurs soumis au bonus-malus, le nombre de fins de contrat baisse en moyenne de 8 % entre 2023 et 2024 (Tableau). Cette baisse observée n’est pas forcément imputable au dispositif. En effet, plusieurs mécanismes à l’œuvre sur le marché du travail pourraient l’expliquer : facteurs économiques et conjoncturels, autres changements réglementaires concernant l’Assurance chômage, etc. Les premières évaluations tendent néanmoins à montrer que le dispositif a joué un rôle, limité, dans cette baisse (Graphique). Des travaux plus approfondis seront nécessaires pour confirmer ce résultat.

Nombre de séparations du bonus-malus 2023 et 2024, par secteur et par taille d’entreprise

 

Nombre de séparations

Évolution entre BM 2023 et BM 2024

BM 2023

BM 2024

…du nombre de séparations

… du taux de séparation moyen

Secteur d’entreprise

CA Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac

1 005 617

939 361

-6,6 %

-6,2 %

CC Travail du bois, industries du papier et imprimerie

173 205

151 344

-12,6 %

-11,9 %

CG Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d'autres produits minéraux non métalliques

298 595

251 063

-15,9 %

-15,3 %

EZ Production et distribution d'eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution

326 865

302 120

-7,6 %

-7,8 %

HZ Transports et entreposage

1 313 404

1 265 141

-3,7 %

-3,7 %

IZ Hébergement et restauration

998 518

880 823

-11,8 %

-13,0 %

MC Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques

213 764

186 295

-12,9 %

-14,0 %

Taille d’entreprise

11-19 salariés

126 470

106 347

-15,9 %

-16,2 %

20-49 salariés

562 451

513 665

-8,7 %

-8,1 %

50-99 salariés

480 016

440 564

-8,2 %

-9,1 %

100-199 salariés

654 821

588 917

-10,1 %

-10,2 %

200-499 salariés

919 686

840 973

-8,6 %

-8,9 %

500 salariés et plus

1 586 524

1 485 681

-6,4 %

-6,8 %

Total

4 329 968

3 976 147

-8,2 %

-8,4 %

Sources : GIP-MDS, données du silo bonus-malus. Calculs Unédic.
Champs : entreprises de 11 salariés ou plus concernées par l’application du bonus-malus du 1er septembre 2023 au 31 août 2024 (BM 2023) ou à partir du 1er septembre 2024 (BM 2024).
Lecture : au sein des entreprises de 11 à 19 salariés, en moyenne, le nombre de séparations est passé de 126 470 à 106 347 soit une baisse de 15,9 % entre 2023 et 2024. Sur cette même période, le taux de séparation moyen a baissé de 16,2 %.

Il reste que le design du dispositif présente différentes limites le rendant peu opérant. D’une part, la sélection des secteurs sur la base du taux moyen de séparation du secteur peut parfois amener des situations inéquitables : en effet, la présence d’un petit nombre d’entreprises tirant la moyenne vers le haut peut conditionner l’entrée dans le dispositif de tout un secteur, dont le taux médian peut pourtant être relativement bas. Ce phénomène est particulièrement marqué dans le secteur « autres activités spécialisées, scientifiques et techniques ». De plus, dans certains cas les séparations peuvent engendrer un surcout élevé (plus de 1 000 €). Enfin, la surcotisation des entreprises au malus est plafonnée (avec un taux maximal de cotisation de 5,05 %), ce qui réduit les incitations financières à réduire le nombre de séparations pour les employeurs recourant fortement aux contrats courts. Ces entreprises, qui représentent pourtant la majorité des fins de contrats courts en France, étant très au-delà du taux de séparation qui les feraient passer sous le taux plafond, peuvent difficilement atteindre un taux de séparation correspondant à un taux de cotisation plus faible.