En bref

Baromètre Unédic : les demandeurs d'emplois refusent le rôle de victimes

Bousculant certaines idées reçues, le Baromètre Unédic de la perception du chômage et de l’emploi montre qu’en dépit d’une réalité du chômage durement ressentie, les demandeurs d’emploi refusent d’être assignés aux postures que leur prête parfois l’opinion publique.

Unédic

Adrien Gaboulaud

27 mai 2024

Les chômeurs ne sont pas tels que l’opinion se les figure parfois. Le Baromètre Unédic de la perception du chômage et de l’emploi, réalisé par le cabinet Elabe, permet depuis 2020 un suivi fin du regard des Français sur le chômage, en même temps qu’une analyse en miroir des sentiments exprimés par les demandeurs d’emploi (voir Méthodologie). L’exercice permet de souligner l’écart entre les perceptions des Français et les réalités vécues par les chômeurs, et vient percuter certains préjugés.

Cette publication, tout en rappelant la dureté de la réalité du chômage telle qu’elle est perçue par celles et ceux qui la vivent, se donne pour objet d’explorer les perceptions des demandeurs d’emploi sur eux-mêmes et ce faisant, de souligner comment cette image s’inscrit en rupture avec les attendus exprimés par une partie de l’opinion.

Le chômage pèse lourdement sur l’état d’esprit des demandeurs d’emploi

Les demandeurs d’emploi font de leur quotidien une description sensiblement plus sombre que les actifs en emploi. Lorsqu’on leur demande de jauger leur niveau de bonheur sur une échelle de 0 (pas du tout heureux) à 10 (très heureux), une moyenne de 5,4 sur 10 se dégage. C’est nettement inférieur au niveau déclaré en moyenne par les actifs en emploi (6,9/10).

Les demandeurs d’emploi sont plus nombreux que les actifs en emploi à exprimer le sentiment d’une perte de contrôle sur leur vie. A la question, « Avez-vous le sentiment d’avoir choisi la vie que vous menez ? », ils sont une majorité (53 %) à répondre « non », contre 32 % seulement des actifs en emploi. Et près d’un sur cinq (19 %) va même jusqu’à répondre « non pas du tout » à cette question, contre 5 % à peine pour les actifs en emploi.

De même, les demandeurs d’emploi sont notablement moins satisfaits de plusieurs aspects de leur vie que les actifs en emploi : leur vie sociale (67 % de satisfaits contre 79 % pour les actifs en emploi), leur moral (57 % contre 73 %) et leur santé (68 % contre 78 %). Ce dernier point semble faire écho aux travaux soulignant l’impact délétère du chômage sur la santé (voir ici, ici et ) .

Enfin, lorsqu’on propose aux personnes interrogées de choisir parmi des couples d’adjectifs ceux qui représentent le mieux leur état d’esprit, il ressort que les demandeurs d’emploi sont plus stressés (49 % contre 43 % des actifs en emploi), plus inquiets (49 % contre 41 %) et plus tristes (28 % contre 20 %). Il est toutefois remarquable que les demandeurs d’emploi ne sont pas plus nombreux que les actifs en emploi à se déclarer « résignés » (20 %) et qu’ils sont plus nombreux à s’affirmer « combatifs » (48 % contre 45 %) (Graphique 1).

Un refus très net et majoritaire d’être perçus comme des victimes

Cette combativité revendiquée se retrouve dans d’autres réponses aux questions du Baromètre Unédic. Les demandeurs d’emploi sont ainsi moins nombreux que les actifs à considérer le chômage comme « une fatalité, un coup du sort que l’on subit » et ils sont plus nombreux à qualifier cette période d’ « opportunité qui invite à repenser, réfléchir son projet professionnel » (Graphique 2).

Un fossé plus vaste encore apparaît entre actifs en emploi et demandeurs d’emploi lorsqu’on les interroge sur le vécu de la période de chômage, à travers une question miroir (Graphique 3). De larges majorités d’actifs en emploi imaginent que les chômeurs se sentent « dépendants de la société », qu’ils ont parfois « le sentiment de profiter du système », qu’ils « culpabilisent » au motif qu’ils pourraient « en faire plus ». Cette vision d’un demandeur d’emploi contrit, fautif de sa situation, est vivement rejetée par les chômeurs eux-mêmes. En outre, une majorité de demandeurs d’emploi revendiquent des qualités de courage, de dynamisme et de persévérance ; qualités dont les actifs n’imaginent pas que les chômeurs puissent les revendiquer.

Les demandeurs d’emploi refusent sans ambiguïté d’être considérés comme des profiteurs et rejettent la posture de victime. Temporairement privés d’emploi, ils ne se considèrent pas moins comme des actifs à part entière.

Les demandeurs d’emploi évaluent de manière plus favorable leurs compétences relationnelles

En 2023, dans le cadre du Baromètre Unédic, le cabinet Elabe a exploré, en plus des questions habituellement posées aux répondants, le sujet des « soft skills », ces « compétences relationnelles, humaines et personnelles » qui paraissent prendre une place grandissante sur le marché du travail. Ce sujet illustre, d’une autre manière, comment les chômeurs refusent le rôle de victimes.

Les demandeurs d’emploi et les actifs en emploi ont été invités à s’auto-évaluer sur une série de compétences relationnelles. De prime abord, les scores résultant de cette question peuvent sembler proches si l’on groupe les évaluations « très bon » et « plutôt bon ». Par exemple, 93 % des actifs en emploi estiment favorablement leur « capacité d’adaptation », contre 95 % des demandeurs d’emploi. Mais en considérant seulement la proportion de réponses « très bon », il apparaît que les chômeurs sont toujours plus nombreux que les actifs en emploi à s’estimer « très bon ». Pour la capacité d’adaptation, la proportion de « très bon » tombe à 36 % pour les actifs en emploi contre 48 % pour les demandeurs d’emploi. Ce schéma se répète sur l’ensemble des items testés (Graphique 4), démontrant qu’en matière de « soft skills », les chômeurs font preuve de plus de confiance en eux que les actifs en emploi.

Ce résultat dément certains clichés qui voient dans les demandeurs d’emploi des personnes résignées et en proie au doute. Les éléments collectés dans le cadre du Baromètre Unédic ne permettent pas d’expliquer avec certitude ce surcroît d’assurance des chômeurs, mais l’on peut faire l’hypothèse que, considérant majoritairement que la période de chômage est une opportunité de réfléchir à son projet professionnel (Graphique 2), les demandeurs d’emploi développent certaines « soft skills » au fil de leur recherche d’emploi (persévérance, curiosité, capacité à se remettre en question) et sont plus souvent amenés à se questionner sur la valorisation de ces compétences lors d’entretiens d’embauche. Les actifs en emploi, eux, ont pu avoir moins d’occasions de s’interroger sur ces sujets.

  • Méthodologie

    Cette étude a été réalisée en ligne, avec l’institut Elabe, du 29 août au 25 septembre 2023. Etude quantitative, menée auprès d’un échantillon de 4 527 individus, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. Les détails de la méthodologie et d’échantillonnage sont indiqués dans la synthèse de l’étude.

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