Le 10 novembre 2023, la satisfaction était perceptible dans les rangs des organisations paritaires à l’issue des négociations du régime d’assurance chômage. Une satisfaction à la mesure du défi qui leur avait été lancé… Car rien n’était gagné d’avance et l’enjeu était primordial, après cinq années de carence où les règles de l’Assurance chômage avaient été fixées par décret ministériel.
Une marge de manœuvre réduite
Les difficultés étaient nombreuses. Rappel des faits… Le 1er août, le gouvernement lève le voile sur sa lettre de cadrage, fixant le cadre dans lequel les négociations doivent s’insérer. La marge de manœuvre laissée aux négociateurs est ténue. Les partenaires sociaux ne peuvent revenir sur les réformes engagées ces dernières années, ni sur le mode de calcul de l’indemnisation, ni sur la modulation des règles d’indemnisation en fonction de la conjoncture économique effective depuis le 1er février 2023.
Comment négocier quand tant de paramètres sont non négociables ? Les représentants des salariés et des employeurs relèvent le défi, conscients que derrière l’accord, d’autres choses sont en jeu, notamment démontrer leur capacité de décider paritairement des règles d’assurance chômage, comme depuis 1958.
Le 12 septembre, ceux-ci se mettent d’accord sur le calendrier des négociations. Huit réunions sont prévues, chacune permettant d’aborder les différents aspects du régime : les conditions d’ouverture des droits, l’indemnisation des saisonniers et celle des seniors, le bonus-malus, les démissions, la dégressivité, etc.
Voir le programme des huit séances de négociations
Suspens jusque dans la dernière ligne droite
Un programme intense qui génère de longues discussions. Jusqu’au bout, l’incertitude plane sur le dénouement. Le 9 novembre débute le marathon final. Deux jours de discussions où tout semble possible, l’échec comme la réussite des négociations. Le premier jour, le scénario pessimiste semble l’emporter. « On ne se rejoint pas ! » estime Olivier Guivarch, chef de file CFDT. Il faut toute la ténacité des négociateurs et plusieurs longues suspensions de séances pour que le 10 novembre un accord soit trouvé, après trois versions successives.
Une réussite… « Les lignes rouges sont tombées ! », déclare Michel Beaugas, le négociateur de FO. « On est prêt à le signer, maintenant faut-il encore qu’il soit agréé », déclare Éric Courpotin de la CFTC. Le Medef pour sa part salue un accord parfaitement conforme au document de cadrage, qui aboutit à un équilibre entre les nouvelles dépenses et les recettes. L’U2P se félicite que l’accord réponde « à la nécessité », défendue par elle, « de désendetter le régime d’assurance chômage ». Quant au vice-président de la CPME, Éric Chevée, il se félicite d’avoir obtenu ce qu’il était « venu chercher, une baisse de cotisation pour les entreprises ».
Le préambule du protocole donne l’esprit : « Le marché du travail est aujourd’hui confronté à une situation inédite ». Les enjeux de transformation de l’économie induits notamment par les transitions écologique et numérique appellent des réponses en matière de sécurisation des parcours professionnels. Les différentes propositions sont le fruit d’un compromis, de différents pas accomplis les uns vers les autres.
Deux syndicats, la CGT et la CFE-CGC, refusent de signer le protocole.
Le paritarisme conforté
Pour les organisations signataires, la satisfaction est de mise. « C’est bien par le dialogue social et la négociation que l’on a pu trouver des voies de passage et aboutir à un accord, dans un esprit de responsabilité », estime la délégation CFDT. Dans ce compromis, les représentants des salariés et des employeurs se sont entendus sur l’objectif de réduire les dépenses liées à l’Assurance chômage des seniors de 440 millions d’euros sur la période 2024-2027. Ils ont renvoyé les dispositions concernant l’évolution de l’indemnisation (notamment la question des bornes d’âge ouvrant droit à une durée d’indemnisation allongée) à de futures négociations sur l’emploi des seniors.
Le 28 novembre, le protocole est traduit par l’Unédic en convention d’assurance chômage. Les services de la Première ministre annoncent différer l’agrément dans l’attente des nouvelles négociations. Un décret de jointure prolonge l’ensemble des règles actuellement en vigueur jusqu’au 30 juin 2024 au plus tard. Olivier Guivarch déclare cette annonce « entendable ». Michel Beaugas de FO se montre plus critique : « le gouvernement agit comme s’il ne faisait pas confiance aux acteurs sociaux ». De son côté, Patrick Martin, du Medef, regrette que cette annonce reporte au 1er juillet 2024 la baisse de la cotisation d’assurance chômage (de 4,05% à 4% de la masse salariale). Si une étape importante a été franchie, le feuilleton continue…
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Les points clefs de l’accord
L’accord du 10 novembre est le fruit d’un travail d’équilibriste. Respectant l’esprit de la trajectoire financière imposée par l’État, les partenaires sociaux ont cherché à compenser les nouvelles dépenses par de nouvelles économies.
- Baisse de la cotisation employeur de 4,05% à 4%.
- Versement des allocations mensualisé sur 30 jours calendaires.
- Réduction de six à cinq mois du temps de travail nécessaire avant une indemnisation pour les primo-entrants sur le marché de l’emploi et les travailleurs saisonniers.
- Passage de 57 ans à 55 ans du seuil à partir duquel s’applique la dégressivité de l’allocation pour les hauts revenus (soit -30%).
- Ajustement des dispositifs d’aide à la création d’entreprise (Are entrepreneurs et Arce) pour éviter certains effets d’aubaine.