Analyses

Qui ouvre un droit à l'Assurance chômage avec un contrat saisonnier ?

Chaque année, plus d'un million de personnes ont au moins un contrat de travail saisonnier. Combien deviennent ensuite allocataires de l'Assurance chômage ? Quel est leur profil ? L'Unédic apporte des réponses.

Unédic

Oana Calavrezo, Justine Obser et Thomas Vroylandt

13 janvier 2025

Le travail saisonnier se caractérise par l’exécution de tâches normalement appelées à se répéter chaque année, à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons (cueillette, récolte, etc.) ou des modes de vie collectifs (par exemple, tourisme). Par sa nature, il s’agit d’un travail discontinu dans le temps et dans l’espace. Avant la crise sanitaire, plus d’un million de personnes avaient au moins un contrat saisonnier chaque année.

La littérature économique et sociologique a mis en avant l’existence d’une articulation entre les périodes de travail saisonnier et les épisodes de chômage. Les périodes sans emploi salarié, dont les périodes de chômage, occupent une place non négligeable dans les trajectoires professionnelles, notamment pour les saisonniers réguliers. Aujourd’hui en France, il n’y a pas de règles d’assurance chômage spécifiques pour les saisonniers. Leur éligibilité à l’Assurance chômage est soumise aux mêmes conditions que pour l’ensemble des salariés, leur accès dépend donc de leur parcours professionnel souvent caractérisé par des contrats de plus courte durée.

Dans ce travail, nous nous intéressons aux allocataires qui ont ouvert un droit à l’Assurance chômage avec au moins un contrat saisonnier. Nous nous focalisons donc sur la place du travail saisonnier dans les trajectoires d’emploi qui conduisent à l’ouverture d’un droit à l’Assurance chômage. Nous analysons une population hétérogène d’allocataires pour lesquels le travail saisonnier peut être occasionnel ou régulier. A partir de trois sources de données administratives (fichier national des allocataires de l’Assurance chômage, déclaration sociale nominative des personnes inscrites à France Travail et répertoire commun des déclarants), nous mettons en lumière les grandes tendances d’entrée à l’Assurance chômage avec un contrat saisonnier, le profil des personnes concernées ainsi qu’une typologie d'allocataires en fonction de l’intensité du recours aux contrats saisonniers durant la trajectoire professionnelle conduisant à ouvrir un droit à l’Assurance chômage.

 10 % des allocataires ouvrent un droit à l’Assurance chômage avec au moins un contrat saisonnier

Parmi le million de personnes qui ont eu au moins un contrat saisonnier entre avril 2018 et mars 2019, nous estimons qu’environ la moitié étaient inscrites à Pôle emploi (devenu France Travail depuis) ou se sont inscrites dans les deux ans suivants.

Ouvrir un droit à l’Assurance chômage avec un contrat saisonnier n’est pas un phénomène marginal : 10 % des allocataires ouvrent un droit à l’Assurance chômage avec au moins un contrat saisonnier, soit environ 200 000 personnes par an. Par la suite, pour simplifier le propos, nous parlerons « d’allocataires saisonniers » pour désigner les personnes ouvrant un droit avec au moins un contrat saisonnier.

En lien avec la réforme d’assurance chômage de 2021 qui impacte les allocataires au parcours professionnel fragmenté, les personnes qui ouvrent un droit à l’Assurance chômage avec un contrat saisonnier ont une allocation journalière en moyenne plus basse en 2023 (avec un écart qui se creuse avec l’ensemble des allocataires sur les dernières années). A l'inverse, également sous l’effet de la réforme, leur durée de droit moyenne s'est accrue.

Ils travaillent fréquemment dans les secteurs de l'hébergement-restauration et de l'agriculture

Les allocataires saisonniers ont un profil proche de l’ensemble des travailleurs saisonniers en termes de sexe, secteur d’activité et localisation géographique mais sont un peu moins jeunes et ont une durée moyenne des contrats saisonniers plus longue. Les différences peuvent s’expliquer par les conditions d’éligibilité à l’Assurance chômage.

Plus précisément, les allocataires ayant ouvert un droit à l’Assurance chômage en 2022 avec un contrat saisonnier ont le profil suivant : ils sont peu diplômés, d’âge intermédiaire ou encore sans spécificité en termes de répartition homme-femme. Environ 80 % d’entre eux sont de nationalité française, travaillant fréquemment dans les secteurs de l’hébergement-restauration et de l’agriculture, sylviculture, pêche. Ils travaillent plus fréquemment dans des départements viticoles pour les saisonniers agricoles et dans les lieux les plus touristiques pour les saisonniers non agricoles et travaillent majoritairement dans des établissements de moins de 20 salariés. Ces personnes ouvrent majoritairement un droit à l’Assurance chômage avec un seul contrat saisonnier (près de 60 %) et la durée moyenne des contrats saisonniers est proche de 3 mois.

Le recours aux contrats saisonniers est d’intensité différente parmi les allocataires. 

A partir de la place occupée par les contrats saisonniers en termes de nombre et volume d’emploi durant le parcours professionnel qui a conduit à l’ouverture d’un droit à l’Assurance chômage, une typologie en quatre groupes apparaît :

  • groupe « recours faible » (34 % des allocataires saisonniers) caractérisé par peu de contrats saisonniers et un volume d’emploi saisonnier faible : davantage de jeunes et de personnes de nationalité française, la plus longue durée maximale d’indemnisation, la plus courte durée moyenne des contrats saisonniers, ayant travaillé davantage dans le commerce et la fabrication des denrées alimentaires et dans les établissements de 20 salariés ou plus ;
  • groupe « recours régulier et modéré » (19 % des allocataires saisonniers) caractérisé par un nombre assez conséquent de contrats saisonniers et un volume d’emploi saisonnier faible : davantage de diplômés et de primo-entrants et avec la plus longue durée maximale d’indemnisation ;
  • groupe « recours irrégulier et conséquent » (24 % des allocataires saisonniers) caractérisé par un nombre plus faible de contrats saisonniers mais qui représentent un volume d’emploi saisonnier important : davantage entrés pour la première fois à l’Assurance chômage ;
  • groupe « recours intensif » (23 % des allocataires saisonniers) caractérisé par un nombre de contrats saisonniers et un volume d’emploi saisonnier importants : davantage de moins diplômés, de personnes de nationalité étrangère, moins de jeunes et de primo-entrants, avec la durée moyenne des contrats saisonniers la plus longue ainsi que la plus courte durée maximale d’indemnisation, ayant travaillé davantage dans l’hébergement-restauration et dans les établissements de moins de 20 salariés.