Depuis six ans, l’Etat a considérablement amplifié ses efforts en faveur de l’apprentissage (voir Encadré). Après une première réforme en 2018, le plan « 1 jeune, 1 solution » a accéléré l’essor de l’apprentissage à partir de 2020. Conséquence de cette politique publique, le nombre d’entrées en apprentissage a quasiment triplé par rapport au niveau d’avant la réforme, jusqu’à atteindre 850 000 en 2023. Des évolutions d’une telle ampleur ne sont pas sans effet sur l’Assurance chômage, avec 165 000 ouvertures de droits par des sortants d’apprentissage en 2023. L’Unédic en a exposé les enjeux en 2022 et propose ici un suivi chiffré des impacts du développement massif de l’apprentissage sur le régime d’assurance chômage.
Des sortants d’apprentissage de plus en plus nombreux parmi les entrants à l’Assurance chômage
Depuis 2018, environ 1 apprenti sur 5 est entré à l’Assurance chômage. Le nombre d’apprentis a très fortement augmenté par suite des réformes successives de l’apprentissage, le nombre de sortants d’apprentissage ouvrant un droit à l’Assurance chômage a lui aussi considérablement augmenté. Il a plus que doublé depuis 2019 (Graphique 1a) et il est à prévoir que ce nombre progressera encore – et pourrait tripler – étant donné le décalage temporel entre les entrées en apprentissage et les inscriptions à France Travail de certains sortants.
- En 2023, 165 000 sortants d’apprentissage ont ouvert un droit à l’Assurance chômage (108 000 d’entre eux ont terminé leur contrat d’apprentissage. Quant aux 57 000 autres, le contrat a été rompu); ils n’étaient que 70 000 en 2019.
- Ils représentent désormais 8 % des allocataires ouvrant un droit à l’Assurance chômage, contre 3 % en 2019 (Graphique 1b), le nombre d’ouvertures de droit ayant par ailleurs baissé sur la période.
La progression des nouveaux contrats d’apprentissage a ralenti ces deux dernières années : les réformes de l’apprentissage auraient atteint leurs pleins effets. A noter que la fin de l’aide à l’embauche pour les contrats de professionnalisation (autre forme d’alternance) depuis le 1er mai 2024 pourrait conduire à une baisse de ces contrats et donner une légère impulsion aux contrats d’apprentissage par un effet de substitution : certains employeurs pourraient embaucher un apprenti plutôt qu’un salarié en contrat de professionnalisation (le nombre de nouveaux contrats de professionnalisation est de l’ordre de 120 000 par an depuis 2021).
Les sortants d’apprentissage à l’Assurance chômage en 2023 : essentiellement des jeunes majeurs, diplômés du supérieur
Depuis 2018, l’apprentissage s’est développé massivement pour tous les niveaux de formations, mais cette croissance du nombre d’apprentis a été particulièrement portée par les apprentis avec un niveau de diplôme élevé :
- pour les CAP, les effectifs d’apprentis ont augmenté de 50 % entre 2018 et 2022 ;
- pour la préparation d’un Bac, les effectifs ont doublé ;
- pour un Bac +2, ils ont triplé ;
- et pour des Bac +3 et Bac + 5 (ou plus), les effectifs ont quintuplé.
En conséquence, les effectifs d’apprentis diplômés du supérieur entrant à l’Assurance chômage ont eux aussi fortement augmenté (Graphique 2a). En 2023, 54 % des sortants d’apprentissage entrant à l’Assurance chômage sont diplômés du supérieur (dont 15 % d’un Bac +2, 20 % d’un Bac+3/4 et 19 % d’un Bac+5 ou plus) alors qu’ils n’étaient que 34 % en 2018 (Graphique 2b).
En lien avec l’évolution de leur niveau de diplôme, les ex-apprentis qui ouvrent un droit à l’Assurance chômage sont désormais en moyenne plus âgés que par le passé (Graphique 3a). Ainsi, les sortants d’apprentissage ouvrant un droit sont de plus en plus souvent âgés d’au moins 22 ans : 56 % en 2023, contre 35 % en 2018 (Graphique 3b).
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Depuis 2018, des réformes très favorables à l'apprentissage
La loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » et le plan « 1 jeune, 1 solution » en 2020 favorisent l’embauche d’apprentis.
Depuis le 1er janvier 2019, l'apprentissage est possible jusqu'à 29 ans révolus, au lieu de 25 ans révolus précédemment. Par ailleurs, les aides aux employeurs sont fusionnées en une aide unique.
En juillet 2020, l’aide versée par l’Etat pour la première année d’apprentissage est augmentée : l’employeur reçoit 5 000€ pour un apprenti mineur et 8 000€ pour un apprenti majeur – contre 4 125 € auparavant – quels que soient le niveau d’étude et la taille de l’entreprise.
A noter que depuis le 1er janvier 2023, la prime à l’embauche d’un apprenti est ramenée à 6 000 € pour les mineurs comme pour les majeurs.
La durée des droits ouverts par les apprentis est stable jusqu’en 2022
Les durées des nouveaux contrats d’apprentissage ont globalement baissé au cours des cinq dernières années, en lien avec l’évolution des formations préparées et le moindre poids des CAP, BEP et Bac professionnels préparés en deux, voire trois ans en principe. Toutefois, la durée moyenne de droit des ex-apprentis ouvrant un droit à l’Assurance chômage est restée globalement stable entre 2018 et 2022, autour de 580 jours, soit 19 mois (Graphique 4) : l’effet à la baisse des durées des contrats a été compensé par l’effet à la hausse des durées de droit issues de la réforme d’assurance chômage 2019-2021 (A noter : le Graphique 4 met en évidence l’effet à la hausse de la réforme 2019-2021 sur la durée moyenne des droits des autres allocataires (courbe en pointillés). Pour en savoir plus, voir Unédic, « Suivi et effet de la règlementation d'assurance chômage », février 2024).
A partir de février 2023, la durée de droit a baissé de 25 % pour la plupart des apprentis ouvrant un droit à l’Assurance chômage, sous la nouvelle réforme de l’Assurance chômage dite de contracyclicité.
Quelle part de ces droits est effectivement utilisée après un apprentissage ? Combien de temps les allocataires sont-ils indemnisés ? Il est encore trop tôt pour observer les effets des réformes de l’apprentissage de 2018 et 2020 sur les durées au chômage des allocataires sortant d’apprentissage. En effet, quatre années de recul sont nécessaires pour que la quasi-totalité des périodes de prises en charge (avant une sortie d’au moins 6 mois) soient terminées, certaines étant allongées par des rechargements, par de courtes sorties de moins de 6 mois ou par le cumul d’une allocation avec le revenu d’une activité qui ralentit la consommation du droit.
Plus diplômés, les sortants d’apprentissage ont une allocation en moyenne nettement plus élevée que les apprentis ouvrant des droits précédemment
En moyenne, l’allocation journalière des apprentis ouvrant un droit à l’Assurance chômage en 2023 est de 25 € brut (soit 750 € mensuel brut). Elle est nettement en deçà de l’allocation journalière moyenne des autres allocataires de l’Assurance chômage : 39 € brut (soit 1 200 € mensuel brut). En effet, les apprentis peuvent être rémunérés en dessous du Smic et ont généralement un salaire plus faible durant leur contrat que la moyenne des salariés (Graphique 5).
Entre 2018 et 2023, l’allocation moyenne des apprentis ouvrant un droit à l’Assurance chômage a cependant progressé de 34 %, quand le salaire moyen par tête augmentait de 12 % et l’allocation des autres allocataires de 8 %. En effet, les profils des apprentis tendent à être de plus en plus diplômés et la rémunération d’apprentissage augmente avec le niveau de formation préparée. Toutefois, la réforme de l’assurance chômage de 2021 et de la formule de calcul de l’allocation – qui conduit à des allocations en moyenne moins élevées – a atténué cette hausse de l’allocation moyenne des sortants d’apprentissage.
Il faut noter que, si l’allocataire anciennement apprenti reprend puis perd un nouvel emploi mieux rémunéré, le dispositif du droit d’option permet de lui éviter une indemnisation plus faible au regard de ses dernières rémunérations perçues. En effet, l’allocataire peut exercer son droit d’option, pour bénéficier des allocations calculées sur son dernier emploi, même s’il lui restait des allocations à recevoir au titre de son contrat d’apprentissage.
Les dépenses d’indemnisation liées aux sortants d’apprentissage ont plus que doublé
L’essor de l’apprentissage notamment dans le cadre de formations du supérieur – avec des rémunérations et donc des allocations en moyenne plus élevées – engendre des dépenses d’indemnisation quasiment multipliées par 2,5 depuis 2019, pour atteindre 770 M€ en 2023 (Graphique 6).
Les dépenses liées aux anciens apprentis représentent 2 % des dépenses d’indemnisation sur l’année 2023 (34,6 Md€), contre 1 % en 2019.