En quoi consiste le projet ?
Jean-Luc Michel : En 2018, la région nous a présenté un plan régional d'investissements dans les compétences (Pric). Ce plan manquait d'initiatives pour les séniors, qui à l'époque représentaient 32% des demandeurs d'emploi. Nous avons souligné cette problématique et la région, en retour, nous a invité à co-piloter un groupe de travail réunissant les acteurs régionaux concernés par ce public. Le groupe de travail a émis l'idée de mettre en œuvre une expérimentation à destination de demandeurs d'emploi de longue durée de plus de 50 ans : 470 parcours de formation proposés, pour un montant de 2 millions d'euros. Il s'agissait d'un accompagnement spécifique avec le statut de stagiaire de la formation professionnelle pendant 600 heures, et deux stages en entreprise. Les formations ont commencé en septembre 2021.
Quels étaient vos objectifs ?
J.-L. M. : L'objectif prioritaire était de remettre les personnes en confiance car, après deux ans de chômage, elles sont découragées et s'éloignent progressivement du marché de l'emploi. Pour les remobiliser, des parcours de formation très innovants ont été mis en place : coaching, travail sur la confiance en soi, l'estime de soi, actualisation des connaissances numériques… Cela a très bien marché.
Pierre-Marie Hébert : Autre challenge, il a fallu veiller à faire correspondre les offres d'emploi proposées sur le territoire aux compétences des demandeurs d'emploi suivis dans le cadre de l'expérimentation. Ce n'était pas le plus facile.
Convaincre les entreprises qu'être senior, c'est une richesse, posséder des compétences, cela a été une révélation pour les demandeurs d'emploi.
Quels sont les résultats de l'expérimentation ?
J.-L. M. : Nous avons un retour très satisfaisant de la part des stagiaires. Et les résultats en termes de retour à l'emploi ou d'accès à une formation qualifiante étaient à la hauteur de nos attentes. J'ai personnellement suivi les groupes. Au moment du recrutement, les gens étaient très sceptiques, très renfermés sur eux-mêmes… A mi-parcours, ils avaient le sourire. J'ai vu des personnes transformées. Convaincre les entreprises qu'être senior, c'est une richesse, posséder des compétences, cela a été une révélation pour les demandeurs d'emploi. Il y a eu très peu d'échecs.
P.-M. H. : La région a d'ores et déjà donné son accord pour financer une deuxième cohorte, aux mêmes conditions que la première !
"La bonne collaboration entre les instances a été déterminante"
Quels ont été les facteurs clés de succès ?
P.-M. H. : Le statut de stagiaire ouvrant droit à rémunération a été un facteur significatif. Et la bonne collaboration entre les instances a été déterminante dans le succès de l'expérimentation. Le paritarisme est clairement l'aiguillon qui a permis à ce dossier de voir le jour et d'être mis en œuvre. Autre point sur lequel je voudrais insister, c'est la qualité de la collaboration avec la région et son vice-président chargé de l'emploi et de la formation, David Margueritte.
J.-L. M. : Nous avons un triptyque région, Pôle emploi, partenaires sociaux qui fonctionne bien. C'est un bon exemple de paritarisme réel.
P.-M. H. : Le contexte actuel de réduction du chômage et de difficultés de recrutement a été également favorable. Il y a aujourd'hui une prise de conscience de ce que peuvent apporter les séniors ou les personnes en situation de handicap aux entreprises.
Nous avons mobilisé notre réseau, les organisations, pour que les portes s'ouvrent.
En quoi ce projet correspond-t-il parfaitement à la mission de participation au diagnostic territorial de l'IPR ?
J.-L. M. : Nous avons été « au cœur de la machine » pour concevoir et piloter cette expérimentation. Nos bonnes relations avec les services de l'Etat et de la région font que nous sommes devenus incontournables sur des questions essentielles comme celle du retour à l'emploi des personnes les plus fragiles. C'est un travail à mener sur la durée.
P.-M. H. : Nous avons mobilisé notre réseau, les organisations, pour que les portes s'ouvrent, pour que les entreprises s'engagent et aillent au-delà de leurs habitudes.
"Notre expérimentation a reçu le label 'Initiative remarquable'"
Quelle est la prochaine étape ?
J.-L. M. : La deuxième cohorte de séniors sera formée en 2023. Notre expérimentation a reçu le label « Initiative remarquable », décerné par le réseau Initiative France. Elle a été reprise par la CFDT au niveau national dans ses propositions pour résoudre la question si importante des retraites. Est-ce que demain elle sera étendue de façon plus large ? Nous en faisons le vœu.
