Analyses

Les travailleurs indépendants couverts par l'Assurance chômage

Environ 0,01% des allocataires de l'Assurance chômage bénéficient de deux dispositifs destinés aux travailleurs indépendants.

Unédic

Stéphanie Terrasse

13 juillet 2022

Deux dispositifs permettent aux travailleurs indépendants d'être couverts par l'Assurance chômage en cas de perte de leur activité non salariée.

  • L'un concerne les anciens salariés qui avaient initialement pris le risque de démissionner pour entreprendre ; en cas d'échec de leur entreprise, ces personnes peuvent être prises en charge au même titre que les autres salariés privés d'emploi, dans le cadre d'une démission dite légitime. Ce dispositif existe depuis 2001.
  • L'autre dispositif existe depuis 2019 et couvre, sous certaines conditions, les anciens indépendants par une allocation dédiée, l'allocation des travailleurs indépendants (ATI), d'un montant allant jusqu'à 800€ pendant 6 mois.

Ces deux dispositifs bénéficient à un faible nombre d'allocataires (autour de 0,01 % de l'ensemble des bénéficiaires de l'Assurance chômage à fin 2021). Leurs bénéficiaires se distinguent notamment par leur âge et leur niveau de formation : les anciens salariés démissionnaires sont en moyenne plus jeunes, plus diplômés et résident plus souvent en région parisienne que les bénéficiaires de l'allocation des travailleurs indépendants.

L'Assurance chômage a pour vocation de fournir un revenu de remplacement aux salariés qui perdent leur emploi involontairement et de les sécuriser dans leur parcours vers l'emploi durable, via l'accompagnement assuré par Pôle emploi (prestation, aide, accès à la formation). Dans ce paysage, deux dispositifs financés par l'Assurance chômage offrent un cadre protecteur également à des travailleurs indépendants qui perdraient leur entreprise. Cette étude s'intéresse aux transitions du travail indépendant vers le chômage indemnisé, elle présente les deux dispositifs et en dresse l'état des lieux. A noter que l'Assurance chômage couvre également les parcours des personnes qui perdent un emploi salarié et souhaitent créer une entreprise (transition du chômage vers le travail indépendant). Ces parcours seront analysés dans d'autres publications à venir.

Depuis 2001, les salariés qui ont démissionné pour créer ou reprendre une entreprise et dont l'activité non salariée a cessé pour des raisons indépendantes de la volonté du créateur ou du repreneur peuvent bénéficier de l'allocation de retour à l'emploi (ARE). C'est un des 17 cas dits de démissions légitimes indemnisés par l'Assurance chômage. Les autres cas sont divers : démission pour rejoindre son conjoint, pour non-paiement du salaire...

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a ensuite créé une nouvelle forme de revenu de remplacement, destinée aux indépendants : l'allocation des travailleurs indépendants (ATI). Les travailleurs indépendants ayant fait l'objet d'un redressement judiciaire avec éviction du dirigeant ou d'une liquidation judiciaire et satisfaisant certaines conditions peuvent ainsi bénéficier de l'ATI. La loi du 14 février 2022, complétée par deux décrets du 30 mars 2022, assouplit les conditions d'accès à ce dispositif.

Les démissions légitimes pour création d'entreprise : un dispositif ancien mais peu utilisé

Le plus ancien dispositif de protection des indépendants est lié au principe de démission légitime. Il permet aux indépendants d'accéder à l'Assurance chômage grâce à l'activité salariée précédant leur démission.

Depuis 2008 (année à partir de laquelle nous disposons de données), environ 4500 personnes ont ouvert un droit avec le motif d'inscription «démission légitime pour création d'entreprise». Le nombre d'ouvertures de droit pour ce motif diminue progressivement depuis 2009, passant de 630 cette année-là à 120 en 2019, à l'exception de l'année 2020 où l'on a observé une forte augmentation des ouvertures de droit pour ce motif. Ceci peut être lié à la crise liée à la Covid-19 qui a entrainé de nombreuses cessations d'activité non salariée. En 2021, le nombre d'ouvertures de droit semble revenir sur sa tendance d'avant crise.

Ces chiffres sont à mettre en regard du nombre de travailleurs indépendants, des créations et défaillances d'entreprises. Fin 2017, l'Insee dénombrait 3,5 millions d'indépendants en France. En 2021, selon l'Insee, le nombre de créations d'entreprises en France a atteint un nouveau record avec 995 900 créations. A côté de cela, en 2021, l'Insee et la Banque de France comptaient 28 000 défaillances d'entreprise.

Actuellement, environ 300 personnes sont indemnisées dans le cadre d'une démission légitime pour création d'entreprise

En décembre 2021, environ 280 personnes sont indemnisées à la suite d'une démission légitime pour création d'entreprise, soit 0,01 % des allocataires indemnisés par le régime.

Les dépenses d'allocation pour ce dispositif représentent au total 86 M€ depuis 2008, dont environ 6 M€ en 2021.

Par rapport aux bénéficiaires de l'allocation des travailleurs indépendants décrits ci-après, les personnes ayant bénéficié d'une légitimation de leur démission pour créations d'entreprise sont en moyenne plus jeunes, plus diplômées et vivent plus souvent en région parisienne.

Pour aller plus loin : Tout savoir sur les cas de démission légitime

Allocation des travailleurs indépendants : une mobilisation plus faible qu'attendu

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé une nouvelle forme de revenu de remplacement, destinée à couvrir les indépendants : l'allocation des travailleurs Indépendants (ATI). Le décret du 26 juillet 2019 a fixé la date d'entrée en vigueur du dispositif au 1er novembre 2019 pour un montant fixe de 800 € par mois pendant 6 mois, sous certaines conditions d'activité antérieure et de ressources notamment.

L'étude d'impact du projet de loi «Avenir professionnel» évaluait les dépenses d'allocation annuelles de cette mesure à 140 M€ pour environ 29 000 bénéficiaires. Elle s'appuyait notamment sur les travaux de la mission menée en 2017 par l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales sur l'ouverture de l'indemnisation du chômage aux travailleurs indépendants .

La mobilisation de cette aide a été bien moins élevée qu'attendu. D'après l'étude d'impact du projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante, l'écart par rapport aux objectifs initiaux apparaît lié à la fois à la jeunesse du dispositif, au caractère restrictif des critères d'accès et aux mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises mises en place pour lutter contre la pandémie .

Afin de faciliter l'accès à l'ATI, le gouvernement a apporté des modifications au dispositif (article 11 de la loi du 14 février 2022, deux décrets du 30 mars 2022). Elles ont notamment pour objet de répondre aux conséquences économiques de la crise liée à la Covid-19, ainsi que de permettre une mobilisation plus facile de l'ATI compte tenu du faible nombre de bénéficiaires.

Une montée en charge de l'ATI perturbée par la crise Covid-19

Entre novembre 2019, date de sa mise en œuvre, et décembre 2021, environ 1300 personnes ont ouvert un droit à l'ATI. Les dépenses d'allocation sont d'environ 5 M€ sur la période. Ces ouvertures de droit représentent 0,03% des ouvertures de droit en ARE sur la même période.

La montée en charge du dispositif a été interrompue relativement tôt en mars 2020, au début de la crise, en raison de la chute des défaillances d'entreprises et de leur maintien à un niveau historique bas depuis. Au cours de la crise sanitaire, les défaillances d'entreprises ont fortement reculé sous l'effet de mesures administratives et des différentes mesures d'aide à destination des entreprises pour faire face à la crise sanitaire.

Le nombre mensuel de bénéficiaires a ainsi atteint son maximum fin avril 2020 avec 490 personnes indemnisées. Fin décembre 2021, environ 150 personnes sont indemnisées en ATI.

Les bénéficiaires de l'ATI sont en moyenne plus âgés que les démissionnaires pour création d'entreprise (75 % de 50 ans ou plus vs 11 %), moins diplômés (45 % inférieur au bac vs 32 %) et vivent moins souvent en région parisienne (8 % vs 16 %).

Les personnes ayant ouvert un droit en ATI depuis novembre 2019 ont perçu quasiment 6 mois d'indemnisation et ont travaillé 3 mois en moyenne sur leur période d'indemnisation.

Pour aller plus loin : Tout sur les conditions pour bénéficier de l'ATI, l'allocation des travailleurs indépendants